Billet doux

4 heures 21 minutes et 46 secondes

Je démarre cet article sans titre. Je ne sais pas ce que je vais choisir comme accroche pour vous donner envie de me lire.

Aujourd’hui, je me suis surpassée.

Aujourd’hui, je suis fière de moi.

Aujourd’hui, je sais que je suis une belle personne.

Aujourd’hui sur les réseaux, les temps de course de mes amis, de membres de ma famille, d’inconnus sont exposés. Ces temps sont les symboles de leur performance, du défi qu’ils se sont lancés et qu’ils ont réussi à atteindre.

Aujourd’hui, j’avais un rendez-vous à 10h00 avec Elo et Amy à la station de métro Mérode. Je me suis levée. J’ai pris un solide petit déjeuner. J’ai enfilé mes affaires de running et mes baskets achetées à prix d’or chez Trakxs.

Je suis arrivée comme d’habitude avec quelques minutes de retard. Pourtant je devais encore une fois aller aux toilettes… Oui, depuis quelques mois, avant de relever un défi, mon corps me rappelle que je dépasse un peu mes limites.

C’est bizarre? Pourquoi donc me signale-t-il que je dois y aller mollo en m’envoyant faire pipi si souvent?

Attend…tu vas comprendre.

J’étais heureuse de retrouver Elo et Amy. La dernière fois que nous étions ensemble, c’était au Cook & book pour la dédicace d’Agnès Martin-Lugand. C’était il n’y pas si longtemps mais le temps est si bon avec elles et les autres filles de #bookstagrambelgique…

Ce matin, nous étions prêtes à prendre le départ pour les 20km de Bruxelles. Une première pour Elo, une deuxième participation pour Amy et moi. Cette fois, pas d’objectif. Nous étions crevées toutes les 3. La semaine avait été compliquée…

Je les entends déjà ceux qui se demandent bien de quoi je suis crevée.

Bah oui! Ca fait quand même 2 ans et demi que je ne bosse plus. Je les entends souvent ces allusions sur la durée de mon incapacité de travail…sur une certaine manière que j’aurais de profiter du système.

Et si c’était le système qui avait contribué à mon auto-destruction? Et si un médecin bardé de diplômes avait enfin percé à jour l’étendue de mon épuisement et de mon mal-être.

Cette semaine, j’ai lutté pour me lever certains matins. Parce que c’est comme ça depuis 2 ans et demi, quand j’en fais trop un jour ou deux, après je déguste…Mon corps n’avance plus.

Mon esprit en a marre de ne pas y parvenir. Pas le choix. Quand on brûle toute la mèche de sa petite flamme intérieure, il faut du temps pour qu’elle se régénère. Cette renaissance est plus fragile.

On se reconstruit plus difficilement sur des plaies qui se soignent. C’est comme ça. Malheureusement, tu ne t’en rends compte que lorsque tu as brûlé toute ta réserve. Dommage!

Je me reconforte en me disant qu’il y a 2 ans et demi, je n’ai rien fait que les courses pendant près de 5 mois.

Ecoute ceux qui te disent de diminuer, de lâcher-prise, de te reposer…c’est dur dur je sais…mais je t’assure que la pente à remonter l’est encore plus.

La semaine passée, j’ai lutté contre ma peur de la foule pour me rendre par deux fois en transports en commun. J’ai pris sur moi pour ne pas paniquer. Ne pas penser que j’allais me faire agresser.

J’ai peur de croiser quelqu’un qui me reprocherait d’avoir donné mon avis. D’entendre que je ne suis pas une bonne personne. De n’avoir cette fois encore pas l’opportunité de prendre la fuite.

J’ai ce sentiment depuis février 2020, au début je ne sortais plus de chez moi. Puis progressivement, grâce au masque, à mes écouteurs et mes livres audio, j’ai fait des efforts.

Cela fait 2 ans et demi que je me surpasse rien que pour sortir de chez moi…

Oui…et c’est épuisant!

La semaine passée, j’ai paniqué de ne pas être à la hauteur pour ce blog, pour mon compte Insta. J’ai paniqué de ne pas publier mes dizaines de chroniques à temps, de ne pas parvenir à répondre aux attentes qui j’imagine sont les vôtres.

La semaine passée, je me suis pris deux fois une drache pas possible. Pieds trempés. Jeans collant. Petite culotte humidifiée par la pluie! Rien de sec….La semaine passée, j’ai eu froid. La semaine passé, j’ai pris sur moi et je suis rentrée la tête haute à la maison.

Après ça…j’étais HS. Crevée. Mon cerveau me disait juste merde…

Pourquoi?

Parce que ma bougie, c’est comme la batterie de ton téléphone. Elle se vide super rapidement. Même rechargée, si tu zones 15 minutes sur les réseaux, elle a déjà perdu quelques pourcents. Moi c’est pareil…

Mon corps va mieux. Mes angoisses ne monopolisent plus la totalité de mon énergie et de mes journées. Mon esprit parvient progressivement à se projeter vers un avenir professionnel.

Mon coeur s’affranchit de pas mal de choses…

De ce rôle de mère exemplaire et parfait que je croyais être la norme et que je ne serai jamais.

De cette institutrice professionnelle, motivée, empathique et compréhensive que je ne serai plus jamais.

Petit à petit, je sème sur le chemin de ces 2 ans et demi, les petites pierres que j’avais malencontreusement mis dans mes poches pour plaire à autrui, pour être bien vue, pour briller et être certaine de ne pas disparaitre derrière la lumière des autres.

Petit à petit, j’apprends à accepter les gens tels qu’ils sont. J’apprends à prendre un peu de recul quand je ressens un besoin de me recentrer sur moi. Ne m’en veuillez pas. Je suis juste humaine. Je ne suis pas bien loin.

Petit à petit, j’apprends que la perfection n’existe pas, que mes enfants sont tels qu’ils sont. Quand leurs choix ne sont pas les miens, je les en aime d’autant plus. Ils sont humains. Je n’attends rien de plus d’eux.

J’accepte les difficultés rencontrées dans mon couple. Je sais que si ils deviennent trop lourds pour moi, l’homme qui m’aime en tiendra compte. Je sais aussi qu’il fera en fonction de ses possibilités. Il est juste humain.

J’accepte que ma maison ne soit pas parfaite.

J’accepte que j’ai pris 10kg en 2 ans et demi. Ils partiront sûrement.

J’accepte aussi de bouffer mes émotions. De me ruer sur un paquet de biscuits Nutella parce que le chocolat (ou le Nutella) est pour le moment le seul à me serrer très très fort dans les bras sans me juger, sans voir celle que j’étais ou que je devrais être.

Je sais que vous essayez…cela n’a rien à voir avec vous.

Il n’est pas simple à 46 ans de ne plus trop savoir qui on est.

Il est rassurant à 46 ans d’avoir une infinité de possibilités devant soi.

Il n’est pas simple à 46 ans de faire le bon choix.

Il est rassurant d’avoir la maturité de pouvoir le faire en âme et conscience.

Il n’est pas simple à 46 ans d’entendre les « tu devrais faire ceci ou tu devrais faire cela… »

Il est rassurant de savoir que tu n’es pas seule et que certaines personnes sont là pour t’accompagner vers la bonne décision.

Qu’est-ce que c’est une bonne décision?

C’est celle qui te fait palpiter ton coeur, qui te fait vibrer les tripes et qui te remplit d’une chaleur réconfortante.

Cette chaleur est une lueur d’espoir que ça va aller…

Que le soleil est proche…tu le sens déjà un peu te réchauffer la peau. Progressivement, la chaleur revient en moi…mais j’ai tellement peur de l’éteindre trop vite en voulant aller trop vite.

Il y a 2 ans et demi, je n’étais qu’une ombre en pleurs. Une boule de nerf qui ne supportait plus rien. Une femme brisée, assise en boule dans un coin de sa cuisine. Une femme courbée de honte de n’avoir plus su rentrer dans les rails imposés par notre société.

Aujourd’hui, j’ai la tête plus haute, la fierté plus prononcée.

Parfois je doute.

Parfois j’ai peur.

Parfois je voudrais partir loin et tout redémarrer.

Parfois j’ai besoin de solitude.

Parfois j’ai besoin d’être entourée.

Parfois j’ai confiance en moi.

Parfois j’ai besoin de booster cette confiance.

Parfois, j’ai besoin que vous me fassiez confiance.

J’ai encore de gros doute sur les chemins à prendre…

J’imprime encore des offres d’emploi dans l’enseignement pour rentrer dans une case que je pense devoir combler pour rassurer mon compagnon, assurer à mes enfants le confort dans lequels ils sont quand ils vivent avec moi.

Je les imprime parce qu’on m’a dit…mais tu es institutrice…qu’est-ce que tu pourrais faire d’autre?

Je les imprime parce qu’on m’a dit…tu as un salaire de fonctionnaire…tu risques de gagner moins en faisant autre chose.

Je les imprime parce qu’on me dit…tu étais une tellement bonne instit, c’est dommage de gâcher ça.

Et pourtant…

Aujourd’hui, j’écris quasi tous les jours. Je fais des photos, je mets en avant des livres que j’ai aimé. Le potentiel que je voyais dans chacun de mes élèves, je le lis dans les mots de tous ces auteurs qui me confient leurs bébés, la sueur de leur front, leurs tripes qu’ils mettent à nu.

Aujourd’hui, j’interviewe bénévolement des auteurs. Je leur pose des questions qui me viennent naturellement. Je retranscris sur ce blog à mon rythme non pas parce que je n’ai pas le temps mais parce que j’ai peur de brûler ma bougie.

Alors c’est vrai, je ne gagne pas d’argent à faire cela…

Par contre je gagne ce que j’avais perdu…une estime de moi-même…et une confiance en moi et en mes capacités.

Aujourd’hui, j’ai marché 20 kilomètres en 4 heures 21 minutes et 46 secondes. C’est près de 15 minutes de plus qu’en septembre…

En septembre, j’étais crevée…là je me sens bien. J’ai partagé 4 heures 21 minutes et 46 secondes avec 2 femmes formidables.

J’ai attendu Amy qui avait une cloque énorme et qui devait se refaire un pansement.

J’ai ri. J’ai dansé. J’ai chanté. J’ai profité de chaque pas posé sur le bitum.

Ce soir, je me sens bien…et j’ai passé encore un cap. Je sais que si je prends le temps de faire les choses à mon rythme, que je suis mon instinct et que je prends bien soin de mon feu intérieur…ça va aller…

Oui.

Ca va aller!

4 commentaires sur “4 heures 21 minutes et 46 secondes

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