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Didier van Cauwelaert: « Les livres sont des jalons de vie… »

En mai dernier, j’ai eu la chance de m’entretenir avec l’auteur Didier van Cauwelaert.

Bonjour Didier van Cauwelaert. Quel plaisir pour moi d’avoir cet entretien avec vous. Nous parlerons aujourd’hui de votre dernier roman « Une vraie mère…ou presque » sorti aux éditions Albin Michel en mai dernier.  J’avais aussi quelques questions d’ordre plus général.

En préparant notre rencontre, j’ai réalisé que votre nom n’était pas souvent évoqué sur #bookstagram, le réseau social que je fréquente. J’ai l’impression que la communauté Instagram ne met pas spécialement vos livres en avant. Je trouve cela dommage.  Vos livres ont tout le potentiel pour être mieux représentés sur les réseaux.

Je ne fréquente pas les réseaux sociaux. J’ai un coach numérique. Là, il vient d’ouvrir un compte sur Instagram où il poste des capsules vidéos (l’entretien a eu lieu au mois de mai) tous les dimanches soir.

Vous avez aussi un page internet, un site vraiment très bien construit et très chouette.

Justement, ce site existe parce que c’est vrai qu’à un moment donné, il faut contrôler l’information. Sur Wikipédia, il y a des choses parfois invraisemblables. Un jour, les rédacteurs m’ont inventé un livre. Ils ont fabriqué un faux numéro ISBN. Ils ont pris 2 numéros précédents pour en créer un nouveau. Ils racontent l’histoire et tout ça en expliquant bien pourquoi le livre était dans ma thématique. Ils se sont donnés beaucoup de mal. Un journaliste, en Belgique à Louvain-la-Neuve, arrive et me dit : « Alors ! Parlez-moi de ce livre ! Quoi ? Pardon ? Oui oui celui mentionné sur votre page Wikipédia. »

Je ne sais pas si vous le savez mais c’est impossible de faire retirer un truc par vous-même sur Wikipédia. Il a fallu qu’une émission sur le Web à l’époque sur Europe 1 leur fasse remarquer. Ils ont réussi à faire disparaitre ce fake. Le fameux livre s’appelait « Le mystère je sais plus comment ». C’était un canular !  

Incroyable ! Comme vous le racontez, j’aurais pu y croire !

Je ne me rappelle plus vraiment du truc. La personne s’est vraiment donné beaucoup de mal pour me créer une œuvre supplémentaire.

Notez que moi aussi je commence mes recherches par Wikipédia. C’est d’ailleurs en partant de là que je suis arrivée sur le site. J’ai aussi consulté Babelio. Je prépare toujours mes entretiens en passant par Babelio. Je me suis rendu compte que votre compte Wikipédia était bien contrôlé. Les informations coïncident avec celles du site. Ce n’est pas toujours le cas.

Vous avez des origines belges faciles à identifier avec votre nom de famille. Comment est-ce qu’un auteur aux origines belges nait en 1960 à Nice, dans le Sud de la France ?

Mon père était venu sur la côte d’Azur quand il était bébé. Il était né en 14 pendant que son père se faisait tuer dans les tranchées. Il faisait du rachitisme. Le médecin a dit que pour lui sauver la vie, il lui fallait du soleil. Donc sa mère et sa grand-mère sont parties à Nice où elles sont restées.

Van cauwelaert n’est pas un nom facile au départ à Nice. Dans le livre, mon vrai faux double, le narrateur s’appelle Pijkswaert qu’on appelle pic-vert. Ben moi Cauwelaert en niçois caulé vert, ce qui veut dire chou vert. Donc voilà, j’étais obligé de faire voir le coup de poing pour qu’on arrête de se moquer mon nom.  

Vous avez fait une entrée dans l’écriture très très jeune…A 8 ans, on apprend à peine à écrire et à construire le texte.

Dès qu’on m’a appris à écrire, je me suis dit que les mots servaient à raconter des histoires. Les mots sont une merveilleuse armée à ma disposition pour raconter des histoires, mieux que mes petits soldats, que les Dinky toys et les ours en peluche qui étaient jusqu’à présent ceux à partir de quoi je scénarisais les histoires.

Votre destin littéraire est impressionnant. Avoir 8 ans et se dire : « Je vais écrire des livres pour aider mes parents qui sont en difficulté » est hors du commun.  

Etre chef de famille est très valorisant. C’est une manière de rendre supportable ce qui aurait pu me casser. Au contraire, ça m’a donné un challenge.  Mon père était quasiment invalide. Je l’ai entendu dire que le jour où il serait dans un fauteuil roulant, il se mettrait une balle dans la tête.

Quand j’entends ça à 8 ans, je me dis que je vais faire un truc tellement extraordinaire. Ce truc lui donnera envie de vivre même en fauteuil. Je serai le plus jeune auteur au monde à être publié. Voilà ! J’ai raté mon coup. La chirurgie a sauvé mon père.

En tout cas, le voilà, le côté écrire un professionnel que je suis vraiment devenu à 8 ans et demi.  J’ai arrêté de faire mes devoirs. Je n’avais plus le temps. A l’oral, je participais énormément. On me croyait un bon élève mais je ne pensais qu’à mes histoires.

J’imagine la tête des profs…

Et celle de ma mère !

Dans « Une mère…ou presque », votre maman avait l’air plutôt ravie de votre réussite.

J’ai décalé beaucoup de choses dans le roman. L’émotion est vraie comme la sincérité et les énergies. Après le contexte est différent. Après, mon père a été ce personnage tellement romanesque qu’à sa mort, j’ai écrit « Le père adopté ». Ce roman racontait sa vie et nos rapports. Ma mère s’était donné ce rôle nécessaire de garde-fou, de contre-feu, de faucheuse d’enthousiasme par rapport à lui qui me disait : « Vis ton rêve, ne t’occupe pas du reste ». Elle espérait que j’ai un vrai métier. Elle ne pensait pas que je vivrais un jour de ma plume. Tout cela était nécessaire.

Il y a beaucoup de cela dans le livre.

C’était indispensable.

C’est même très drôle.

Ce livre n’est pas une psychanalyse. C’est plus une tentative de réparation dans le double sens du terme : la réparation mécanique et puis je lui devais réparation pour quelques malentendus, quelques non-dits. Ce rôle ingrat que je lui avais reproché aussi parfois.

Le fait qu’elle n’avait pas pu aller chez Drucker aussi ?

Ca je l’ai inventé !

A la fois, vous l’avez inventé et à la fois ça aurait pu être tellement possible. Les mères peuvent être tellement capables de tout.

En fait, ce n’était pas Drucker mais la première émission sur mon premier livre que j’ai fait c’était « Boîte aux lettres » de Jérôme Garcin, à l’époque sur France 3. Il a interviewé mes parents. Elle avait une manière bien à elle d’expliquer, de gérer. Je me suis toujours protégé d’elle dans le sens où je sentais le danger d’emprise. Je suis un fou de liberté. J’ai fermé certaines choses pour pouvoir continuer à l’aimer, sans trop lui reprocher. Il y a eu des tensions. Il fallait que je les regarde en face et que je les règle à travers ce roman.

J’ai retrouvé dans le roman cette relation mère-fils. En tant que femme, je vis ou j’ai vécu avec des hommes qui avaient une maman très présente, voir par moment contrôlante. Du coup, cet aspect du roman m’a beaucoup amusée. Je me voyais bien dans Tiphaine…

Ah oui…le fait de se retrouver entre deux feux.

 Démarrer sa carrière à 8 ans, votre carrière est très longue. 50 ans bien passés que vous écrivez.

Alors là en fait, je ne m’en étais pas rendu compte du tout jusqu’à ce que Point roman m’appelle en me disant : « On aimerait republier « Ving ans et des poussières » pour le 40e anniversaire. Je n’avais pas percuté du tout. Oui, ça fait 40 ans que je publie.

Ce qui est drôle, des journalistes m’ont mis le nez là-dessus, c’est que « Vingt ans et des poussières », ça se passait à Nice. C’était l’histoire d’un comédien à la retraite qui prend le contrôle d’une troupe de théâtre amateur. On est vraiment dans quelque chose de similaire. Je n’ai pas du tout eu conscience de ça en écrivant. C’est marrant cette similitude.

Je n’ai plus jamais parlé depuis ce premier roman de comédiens qui s’accrochent dans une situation. Personne ne demande rien et ils viennent par effraction modifier le destin.

Cette notion de comédien/metteur en scène s’impose par l’imposture de manière à agir dans la vie. « Une vraie mère…ou presque » est franchement le même esprit. Je pensais faire du neuf complet avec « Une vraie mère…ou presque ». J’ai pas du tout contrôlé. C’est marrant ce qui se passe dans l’arrière-boutique.

Cette arrière-boutique, je l’appelle la créativité. Comment entretenir cette créativité pendant autant d’années?

C’est comme ça. On ne s’étonne pas de cela pour un pianiste ou un tennisman? On ne leur demande pas si ils ont peur de jouer. Maintenant, ils travaillent tous les jours. J’écris tous les jours. Même une journée comme aujourd’hui où j’ai démarré très tôt. Entre les rendez-vous, dans la voiture, je pense, que je prends des notes. Je ne coupe pas le cordon.

C’est une connexion constante?

Oui parce que ça travaille. Mon inconscient me dit les choses sur lesquelles je bute. Par exemple, j’ai trouvé tout à l’heure une réplique de scénario. Je cherchais depuis trois jours.

Vous avez donc plusieurs projets en même temps?

Il y a toujours un stade d’écriture où je suis en totale immersion. Puis un moment comme maintenant où j’ai un scénario en cours d’écriture, un scénario terminé en cours de casting pour l’an prochain. Je modifie des choses. J’ai aussi un nouveau roman en chantier.

Vous avez plusieurs casquettes et plusieurs carnets pour noter?

Oui, j’ai même plusieurs bureaux.

Physiquement vous changez d’endroit en fonction de ce que vous faites?

Vous verrez ça dans le film sur Instagram. Quand les bureaux sont trop encombrés, je change. Je vais travailler dans ma voiture. Je descends dans ma vieille voiture pour y travailler à l’arrière.

Une fuego?

Non c’est une Rover de 1960. Elle se transforme en mon bureau bureau d’appoint lorsque j’ai besoin de neuf et de ne pas m’emmêler dans des éboulements de papier.

Vous avez reçu de nombreux prix. J’en ai compté au moins une quinzaine. Est-ce que ces prix sont pour vous une sorte de bulletins scolaires, vous qui détestiez l’école? Bulletins scolaires avec la notion de coup de pied au derrière pour continer et avoir l’impulsion ou ces prix sont tout simplement des cadeaux?

Non. Les prix sont des cadeaux. Je ne les ai pas tous mis. Une fois, j’ai reçu le prix d’une maison d’arrêt. Je devrais le mettre d’ailleurs. Un bibliothécaire qui a créé un concours littéraire..

Les prix n’ont pas d’autre sens pour moi que des cadeaux.

Une sorte de reconnaissance du travail?

Oui parce qu’il y a des prix de jury comme le Goncourt, le prix Pagnol ou celui de l’Académie française. Il y a bien entendu les prix des lecteurs, du Livre de poche aussi qui sont des prix de jurys populaires si on peut dire, donc de purs lecteurs qui ne sont pas des professionnels.

Dans les deux cas, ça fait plaisir mais ce n’est pas une fin en soi. Le plus beau des cadeaux est la fidélité des lecteurs et le renouvellement. Je me rends compte grâce aux livres de poche que les jeunes lectrices et lecteurs arrivent. Evidemment, économiquement plus par le livre de poche.

C’est vraiment important! C’est une chance de ne pas avoir d’usure du lectorat et en plus, d’avoir un renouvellement. Il est là le plus beau des cadeaux. Ca va de pair avec « la fraîcheur » que je garde.

Mon problème n’est pas de manquer d’idées. Si j’ai peur d’une chose, c’est de manquer de temps. J’ai 40 sujets en attente. J’ai des chemises cartonnées.

On pourrait considérer cela comme une hyperactivité mentale?

Plus j’écris, plus les choses demandent à être écrites. Après c’est pas tout d’avoir l’idée. Il faut avoir la nécessité de l’écrire. C’est vraiment important. Juste avoir un bon pitch intéressant ne suffit pas. Il faut qu’émotionnellement, j’ai un appel auquel je ne peux pas me soustraire.

Je n’avais pas du tout prévu l’écriture d' »Une vraie mère… ». J’avais terminé un roman qui a laissé sa place. Il sera le prochain. D’un coup, dès que l’idée s’est imposée, je me suis dit voilà parce que je ne savais pas comment mettre en scène ma mère. Il me fallait un décalage romanesque. Il fallait une situation et lorsque cela est arrivé brusquement, j’ai plongé.

Vous écrivez souvent dans l’urgence?

Oui. En tout cas, ce n’est pas une urgence genre il faut que je rentre mon manuscrit. C’est l’urgence de ne pas laisser passer un canal qui s’est ouvert. Rien à voir avec l’image caricaturale de l’inspiration qui descend comme ça.

Tout d’un coup, à partir d’une idée ça attire les idées provenant de l’imaginaire pur ou les souvenirs qui remontent, qui se satellisent. Là, il ne faut pas laisser perdre. Il ne faut pas laisser perdre surtout quand on sent qu’il y a le rythme.

Dès que j’ai ma première phrase qui est mon diapason, qui doit contenir tout le roman, à ce moment-là, il vaut mieux y aller. Puis, je sens quand une histoire peut attendre et quand elle ne peut pas attendre. Ca ne s’explique pas.

A moi, de dégager des choses dans ma vie pour laisser la place. J’ai la chance de n’avoir jamais eu de vrai métier comme disait ma mère. Je n’ai pas à négocier du temps auprès d’un patron, d’un chef ou du rectorat.

Je n’ai jamais eu d’autres sources de revenus que des droits d’auteurs. Donc ça c’est avec moi-même. Il y a des producteurs. Pour cela, je dégage aussi le temps dont j’ai besoin.

Sur votre site est repris une citation journaliste qui vous qualifie en tant que maître du feel good. Je trouve ça amusant car dans l’univers d’Instagram, les auteurs et autrices feelgood sont fortement représentés alors que le style lui-même un peu décrié.

La citation complète de Julie Malaure pour le journal « Le point » est « On aime compter au panthéon des lettres françaises un maitre de la feel-good fiction, ces romans qui font du bien.

A la fois elle précise le style dans lequel j’évolue et elle mentionne que ce n’est parce que j’écris du feel-good que je suis un moins bon écrivain. Elle contredit ce nombrilisme douloureux et un peu stérilisé qui est plus dominant dans la littérature française que la littérature d’imagination et de construction positive.

Or, je pars de choses qui sont toujours graves, douloureuses. Je montre comment la reconstruction se met en œuvre plutôt que de montrer quelqu’un qui a tout, qui perd tout et qui s’effondre.

Dans chaque livre, mon but est de résoudre et d’évoluer. De résoudre les problèmes, de se réconcilier,… même si ça doit passer par des épreuves douloureuses voire par la mort.

J’aime que la personne qui referme le livre d’un coup sente une énergie qu’elle va utiliser pour autre chose. J’aime bien essayer de rendre le monde un peu plus respirable, produire l’oxygène comme le font les arbres à travers mon imagination et mon style.

Je ne vous avais plus lu depuis un petit temps et c’est vrai qu’en démarrant ma lecture, je me suis dit…Ah! Je retrouve sa plume! Un peu comme un rendez-vous…comme une madeleine de Proust. Vous relire me ramenait à l’époque de mes lectures précédentes.

Il y a tous les souvenirs qui sont reliés aux émotions que donnent un livre. C’est merveilleux. Moi aussi, j’adore me rappeler quand je relis un livre:  » Tiens c’était là! Telle année, telle personne, tel lieu… »

Le contexte dans lequel on l’a lu aussi… »L’éducation d’une fée » m’a été prêté par ma sœur. Elle me l’avait conseillé. J’étais une jeune maman…

Les livres sont des jalons de vie…

Oui! Il est sorti en 2000. Ma fille est née en 2000. Elle a l’âge de votre livre. C’est d’ailleurs une sacrée fée!

Donc cet écrivain Pierre, dont je passerai le nom parce que même si je suis belge vous avez quand même été fort avec la prononciation, débarque à Nice pour ce fameux salon littéraire après le décès de sa maman. Il a gardé sa fuego et il a reçu des contraventions pour des excès de vitesse posthum. Est-ce que cette histoire d’excès de vitesse est un fake?

Non non, le départ est dans la réalité. Une contravention est arrivée à son nom avec une perte de points. Voilà mon déclencheur. La réalité m’a fourni l’élément déclencheur.

Jusqu’où auriez-vous été si ça avait été nécessaire pour pouvoir garder justement ce permis qui vous permettait finalement de sortir un peu du rail, de ce qui est permis par la loi? Auriez-vous engagé quelqu’un pour couvrir vos arrières?

Non justement, l’idée m’est venue mais je l’ai transformée en roman. Ce roman est venu par une phrase lors de la deuxième fois, quand le deuxième excès de vitesse est arrivé, j’ai dit:  » Ma mère n’a jamais aussi mal conduit depuis qu’elle est morte. »

Là, je me suis dit que ça pourrait faire un livre. Puis la logique du truc, le jour où elle n’a absolument plus de points, l’administration la croyant vivante, elle risque de recevoir une convocation. Et je fais quoi? J’engage une sosie?

J’ai pris note de tout ça. Puis après, j’ai construit le récit en imaginant comment Pierre rencontre la comédienne. Voilà le processus de l’imaginaire à partir d’un point de situation.

Comme je le disais tout à l’heure, ça va satelliser, attirer des éléments imaginaires et reconditionner la réalité. C’était impressionnant dans « Une mère…ou presque », la manière dont les décors m’ont parlé.

Les décors m’ont, par exemple, suggéré des choses. La maison de retraite est celle où vit ma tante dans la réalité. Je n’ai pas rencontré Lucie Castagnole mais la salle du tea time est comme ça avec des spectacles, un pianiste.

Souvent les décors racontent une histoire. J’ai une écriture très très imagée. C’est important pour moi de ne pas faire trop de descriptions. Mais que la sonorité et la précision des mots que j’emploie donnent à voir tout de suite.

Il ne s’agit pas de précipitation. On dit qu’il faut du temps pour rentrer dans un roman. Ca m’énerve quand j’entends ça! Comme si c’était une qualité! Ah oui ne vous laissez pas rebuter, il faut du temps pour entrer…

Pour moi, ce temps est une manière de donner une chance au livre.

Absolument et en même temps, l’auteur peut se donner du mal pour qu’on ait pas besoin d’attendre pour entrer dans l’histoire.

Certains livres vivotent tout le long et puis à la fin, un cliffhanger surgit et annonce une suite que l’on aura forcément envie d’acheter pour connaître le fin fond de l’histoire. En vous lisant, je n’ai jamais rencontré cette difficulté.

La prise de contact avec les lectures est très importante pour moi. La manière de les quitter après également. Donc tant que je n’ai pas mon accroche, ma première phrase, je ne peux pas me plonger dans la rédaction. Je prends des notes.

Et la manière de nous quitter aussi ? Ici vous m’avez quitté avec un peu de perplexité parce que je retrouvais un peu des thèmes qui sont récurrents, sans vouloir spoiler parce que c’est la fin aussi… Cette connexion entre Lucie et Simone est très forte. Elle m’a rappelé votre roman « J’ai perdu Albert » où Einstein revenait à travers un personnage du livre pour délivrer son message. J’ai tendance à croire en ce genre de connexion… et maintenant, je suis un petit peu même presque en manque d’en savoir plus. Vous voyez le truc?

Rires…

Ce qui est intéressant c’est de varier. J’ai la chance d’avoir publié beaucoup. Quand les gens aiment un livre, ils en lisent beaucoup. J’ai un lectorat très fidèle. Je veux leur donner du neuf à chaque fois même si la thématique se retrouve. En tout cas, chaque fois, le milieu, le décor et la problématique sont toujours différents.

Dans « Une mère…ou presque », j’ai abordé autrement ce thème de la survie des consciences à travers ce questionnement: la vérité du personnage qui parle dans la comédienne est-ce que c’est le fruit du travail, est-ce que une incarnation ou est-ce un phénomène d’opposition?

Je ne sais pas. Ce n’est pas de moi qui dit ça, c’est le personnage. Quelle est la part d’influence?

Est-ce qu’on pourrait dire ça pour l’écriture aussi qu’il y a une part finalement de possession ou d’influence du personnage?

D’influence certainement! Il y a par exemple le moment où le personnage prend le pouvoir. Ca m’arrive à chaque fois. J’ai prévu cela dans mon plan car je fais toujours un plan. Après, je l’enrichis ou je m’en écarte. J’ai une trajectoire.

A certains moments, j’ai prévu un truc, un événement ou un rebondissement et voilà que tout à coup, le personnage fait grève. Il se met en grève. Il semble me dire « Non, je ne peux pas faire ça. Ce n’est pas moi. Tu ne peux pas dire ça.

Comme la comédienne qui dit non c’est parce que ce n’est pas dans le ton du personnage. Là, ça veut dire que le personnage a pris une telle densité et une telle autonoie qu’il peut me dire non. Il faut que je trouve autre chose. Parfois cela me pose de vrais problèmes. Sinon, je sais que ce ne sera pas vrai puisque le personnage n’en veut pas. Je sais que ce sera pareil pour le lecteur.

A ce moment-là, le personnage vous vous insuffle la solution ou c’est un blocage?

Parfois, il m’aide. Blocage non. Je raie moi. Je n’ai pas l’angoisse de la page planche mais de la page trop noircie, trop raturée.

Vous écrivez encore à la main?

Oui mais j’utilise l’ordinateur de plus en plus. Avant je me recopiais à la main quand il y avait trop de râtures. Là maintenant, je tape, j’imprime et je continue mes râtures après. Mes écrits ont tendance à devenir un peu hybrides.

J’ai besoin de la main. L’imagerie cérébrale a montré que le geste de clavier trop récent ne connecte pas toutes les zones du cerveau.

En revanche que l’on soit droitier ou gaucher, on voit très bien en imagerie cérébrale que toutes les connexions se font quand il y a un geste de la main. Ce geste existe depuis les hommes des cavernes.

C’est une catastrophe de priver les enfants de cet apprentissage. Il est criminel de ne pas donner aux gens la possibilité d’écrire des lettres d’amour autrement que par texto.

Comme pour tout, il vaut mieux avoir les bases très tôt. Il est impossible de commencer à être tennisman à 20 ans, à être un brillant pianiste à 20 ans. Mais non!

Vous pensez que tout est écrit?

Non mais tout est tellement plus simple quand on commence très tôt. La capacité de formation et d’adaption est bien plus grande.

Ce qui est écrit est un brouillon que l’on peut totalement transformer. Il n’y a aucune fatalité. Nous sommes les maîtres de notre destin.

Vous avez beaucoup de casquettes…pouvez-vous nous parler de vos projets?

Si tout se passe bien mon prochain film sera l’adaptation de « La personne de confiance ». Je suis en train de peaufiner le casting. Ce sera très très bien si ça se concrétise, si on a les financements qu’il faut et tout.

J’ai aussi un projet américain avec la MGM, un projet de théâtre, comédie musicale et tout. Il y a du retard pour tout ce qui n’est pas le roman pur pour cause de COVID. Cela ne m’a pas empêché d’écrire. En revanche, les projets théâtraux et cinématographiques ont pris du retard et ont été décalé.

Mon anxiété est de choisir aujourd’hui.. en arrivant à mon âge… Même si je pense que comme j’ai besoin de beaucoup de temps pour écrire tout ce que j’ai à écrire, je pense qu’on me l’accordera. Il faut choisir les priorités quand même. Je sais aujourd’hui en voyant les trucs en cours que je ne pourrais pas tout faire vu qu’il a encore des nouveaux projets qui arrivent…

Donc choisir… choisir… c’est dur!

Choisir c’est renoncer à certaines de choses...

Oui…

Merci beaucoup pour cet entretien!

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